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samedi 21 décembre 2024

Coronavirus et crise spirituelle : un double test pour l’humanité

Gianguglielmo Lozato revient sur les enseignements que nous pouvons tirer du coronavirus et ce qu’il révèle de nos sociétés, ses dysfonctionnements et ses impasses, dans sa dernière chronique. Gianguglielmo Lozato est professeur d’italien auprès de L’ENSG et de l’international Paris School of Business. A lire sur Mizane.info.

Nous sommes en train de vivre une des régressions les plus marquantes de l’Histoire. L’apparition du coronavirus, par sa violence et son expansion rapide, a bouleversé notre mode de vie quotidien, sur fond de précipitation, de polémique, de contradictions.

Une vraie asymétrie s’est installée au cours des dernières semaines entre le haut niveau des prouesses scientifiques et le recul de l’instinct d’empathie.

L’humanité se doit de se lancer dans une introspection sincère et profonde afin de se réformer au plus vite.

L’Italie dans le collimateur du virus

Le coronavirus, c’est l’invité surprise de l’année 2020. Bien décidé à concurrencer tous les événements religieux, païens, sportifs. Avec une décentralisation forcée de Pékin vers Wuhan.

Cette nouvelle polarisation a eu pour effet de toucher bien des zones industrialisées, très dynamiques économiquement.

Bien entendu la toute première nation impactée est l’usine du monde chinoise.

Puis arrive le Nord industriel et industrieux de la Péninsule Italienne dont l’ampleur soulève de vives interrogations sur le Vieux Continent (un périmètre contenant plusieurs millions d’habitants a été entièrement placé en quarantaine).

Justement, il est intéressant de relever que les épicentres européens les plus représentatifs de la propagation concernent la région Vénétie-Frioul, la Lombardie et la province de Savona en Ligurie.

La Lombardie, c’est la région de la capitale économique italienne Milan où les investissements asiatiques ont été réalisés à grande échelle, notamment dans le domaine du football.

Ainsi l’équipe de l’Inter est passée sous pavillon chinois (le groupe de distribution de produits électroniques Suning en 2016 pèse 70% sur les parts du club).

Tout comme son homologue co-citadine le Milan A. C à une époque post-berlusconnienne pas si lointaine.

Tandis que Savona est une gentille petite ville posée sur le littoral ligure, sur la route de Gênes, dont la restructuration du port a été financé à coups de grands renforts chinois.

Puis un détour par la région de Venise nous fait approcher de Trieste.

Le journal satirique Charlie Hebdo a trouvé là l’opportunité de récidiver en représentant un Italien sous les traits d’un pizzaiolo éternuant allègrement sur une pizza quatre saisons. La liberté d’expression c’est très important. Une évidence au même titre que le respect, la bienséance.

Son port sur l’Adriatique a été racheté par des hommes d’affaires délégués par l’Empire du Milieu.

Gianguglielmo Lozato.

Par l’intermédiaire des containers de la très envahissante et tentaculaire entreprise Cosco, la nation chinoise a forcément participé à cet expansionnisme bactérien.

Curieusement, personne n’a officiellement émis cette hypothèse…

Avec escale possible au Pirée, port grec sous domination chinoise lui aussi.

La Méditerranée est infectée désormais. La Route de la Soie s’est muée en  » Corona Bridge ».

Passerelle microbienne qui a contribué à l’échange de maladie sans pour autant favoriser le rapprochement des populations. L’Italie est traumatisée. Hébétée. Elle se sent acculée. Esseulée.

L’Égypte paye un tribut conséquent. L’infection a pointé discrètement le bout de son nez en Algérie puis au Maroc.

L’Espagne est touchée ; le Portugal, pourtant limitrophe, l’est beaucoup moins, disposant d’une façade maritime uniquement sur l’Océan Atlantique.

La géopolitique du préjugé

La géographie du virus ne s’arrête pas là. Notre chère France se retrouve touchée à son tour.

Étrangement l’endroit de prédilection du virus est l’Oise. On se serait beaucoup plus attendu à l’Ile-de-France et à ses douze millions d’habitants.

C’est sans compter sur les liaisons de l’aéroport de Beauvais-Tillé avec la Chine, vers Shanghai et… Wuhan, par l’intermédiaire de compagnies low-cost, comme Air Moldova qui pratique des escales étalées donc propices à l’exposition des voyageurs aux germes de toutes sortes.

Cette situation pandémique repousse l’être humain vers des instincts de plus en plus primaires.

Le risque d’une épidémie conjointe de régression morale n’est pas à exclure.

Codiv-19. Ce nom à l’aspect robotique réussit à trôner au sommet du hit-parade des moteurs de recherche.

Un accès au vedettariat dont on se serait bien passé tant, derrière les démarches scientifiques et le désir de s’informer, il met en lumière la pénombre de la méfiance vis-à-vis d’autrui.

Ce clair-obscur déstabilisant se manifeste au plus haut niveau hiérarchique d’un état.

Pensons au président Emmanuel Macron s’empêtrant dans des circonvolutions déléguant le sale boulot à sa porte-parole pantomime.

Une stratégie d’évitement tout à fait envisageable du chef de l’état français face à des dossiers antérieurs préoccupants : réforme des retraites, refonte du baccalauréat, redéfinition des contours d’un « Islam à la française », mouvement des gilets jaunes…

À tout cela d’ajoute le passage du paquet de cigarettes au prix officiellement conseillé de dix euros.

Toucher à un bien de consommation quotidien pouvant aboutir à une vindicte populaire sans précédent.

Pour nous en rappeler citons pêle-mêle les émeutes dites de « la guerre de la farine » en 1775 et bien entendu la Révolution Française de 1789 encouragée par l’augmentation du prix du blé et du pain, la Révolte du Pain survenue en Tunisie sous Bourguiba.

Cette régression générale se manifeste aussi par l’intermédiaire des mœurs.

Une campagne de dénigrement envers la communauté asiatique s’est installée.

Au point que les stigmatisés se relayent sous le hashtag « # je ne suis pas un virus ».

Un paravent face au manque de culture de la masse pratiquant une impotente métonymie lorsqu’elle évoque les Chinois et les Asiatiques au travers d’un magma généralisant.

Cette approche peu encline à la réelle curiosité intellectuelle ne constitue hélas pas le seul élément symptomatique des courants de pensée catastrophistes actuels.

Partout sur la planète cette défiance vis-à-vis de l’autre s’est installée à l’occasion de l’arrivée du CODIV 19.

L’Italie s’est vue reléguée au second plan européen. Une mise en quarantaine sanitaire mais pas forcément humanitaire au sens littéral du terme.

L’humain a été sérieusement occulté lorsqu’il a fallu évoquer l’Italie en ces occasions précises.

Le manque de sérieux légendaire a été sous-entendu. Lorsque ce sentiment n’a pas été exprimé clairement.

Le journal satirique Charlie Hebdo a trouvé là l’opportunité de récidiver en représentant un Italien sous les traits d’un pizzaiolo éternuant allègrement sur une pizza quatre saisons.

La liberté d’expression c’est très important. Une évidence au même titre que le respect, la bienséance.

La Chine devient peu à peu une nouvelle Corée du Nord, brimant les Ouighours depuis des années. Mais ses ressortissants subissent à leur tour des mises à l’écart comme sous l’effet d’une vengeance du destin (…) Voici venu le temps d’une crise spirituelle phénoménale où l’on essentialise dangereusement l’individu. Au point de contraindre le Divin à intervenir en conséquence ?

Mais avec ce genre de caricatures nous basculons vers une orientation des mentalités vers une sensibilité quelque peu subjectiviste.

De l’ethnie (remémorons-nous les violences interethniques au Rwanda en 1994) à la religion, le raccourci a les mêmes effets dans le monde contemporain à en juger par les souffrances des chaldéens et yézidis en Irak, des chrétiens centrafricains ou nigérians.

Ou encore les mises à l’écart officialisées des musulmans en Inde, les persécutions endurées par les Rohingas en Asie du Sud-Est, à quelques pas de la Chine.

La nécessaire prise de conscience chinoise

Justement. La Chine revenons-y. Du statut de victime elle est passée à celui de bourreau.

Sur le territoire chinois, les mesures les plus coercitives ont été appliquées par l’exécutif estampillé Xi Jinping.

Les abus de pouvoir de ce gouvernement ayant poussé le vice dictatorial jusqu’à instaurer un système de points de citoyenneté, infantilisant le peuple au quotidien et induisant un confinement autant des individus que des idées.

Parmi ces toutes dernières : l’appartenance à une religion.

Là, faire partie d’un groupe donné déterminerait la priorité d’accès aux soins, y compris la surexposition au virus en vogue.

Les Chinois devraient pourtant se référer avant qu’il ne soit trop tard à diverses sentences d’ordre religieux.

Commençons par Saint-Luc et Saint-Mathieu. Les deux apôtres avaient merveilleusement mis en garde leurs prochains contre la tentation de porter atteinte à autrui.

Ensuite, ce fut le tour du Coran et du Prophète Muhammad (« Allah fera miséricorde à ceux qui seront miséricordieux »), entre autres à travers les hadiths rapportés par Boukhari.

La Torah, elle, n’échappe pas non plus à cette règle d’or de la réciprocité.

Les Chinois sont rétifs aux trois religions du Livre ? Qu’importe. C’est leur droit. Et qu’à cela ne tienne, puisque ce principe est édicté dans le confucianisme (« ce que tu ne souhaites pas pour toi-même, ne l’entends pas aux autres’ »).

Malheureusement, la situation ne fait qu’empirer. Les Tibétains en payent les conséquences, tous comme les chrétiens.

Dans de plus grandes proportions, les Ouighours se posent en martyrs de la politique d’anéantissement par la patrie de Mao Tsé Toung.

Déjà placés en quarantaine ethnoculturelle par leur placement dans un système carcéral concentrationnaire, les musulmans turcophones de Chine subissent un ostracisme médical des plus scandaleux en étant délibérément moins dépistés dans le cadre de la lutte anti-coronavirus.

Avec l’indifférence supposée de l’Arabie Saoudite, y a-t-il eu le lancement du compte à rebours d’une extinction programmée ?

Le coronavirus : un test pour l’humanité

L’épisode que nous traversons en ce moment agit comme un couvercle s’ouvrant au-dessus du coffre recélant nos pulsions enfouies volontairement ou instinctivement.

On regarde sans observer, on bâcle, on caricature. Les réactions sont primaires, à en juger par la perception aléatoire de migrants déplacés comme des pions sur la frontière gréco-turque.

Cette triste épopée met en évidence les sentiments exacerbés, les haines, l’agressivité attisées par l’urgence d’une crise sanitaire de grande ampleur.

On peut exclure dans un sens comme dans l’autre. Au Moyen-Âge, ce sont les sarrasins qui avaient été accusés de tous les maux lors de l’apparition de la Grande Peste Noire.

Cette mode de stigmatisation haineuse a été relancée en incriminant tous les Chinois même résidents à l’étranger, puis les Italiens, plutôt que de s’attacher prioritairement à rechercher des issues salvatrices.

La Chine devient peu à peu une nouvelle Corée du Nord, brimant les Ouighours depuis des années.

Mais ses ressortissants subissent à leur tour des mises à l’écart comme sous l’effet d’une vengeance du destin.

L’existence ne se résume pas qu’à la lutte commerciale matérialisée par les acheminements effectués par les containers de Cosco et de Maersk.

Voici venu le temps d’une crise spirituelle phénoménale où l’on essentialise dangereusement l’individu. Au point de contraindre le Divin à intervenir en conséquence ?

Gianguglielmo Lozato

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