Depuis 2015, Moina Shaiq, une citoyenne américaine, organise des rencontres autour d’un café pour parler islam, répondre aux questions de ses compatriotes et redorer le blason d’une religion fréquemment associée médiatiquement à toutes sortes d’événements politiques négatifs. Une initiative qui a fait des émules.
« Meet a muslim » (rencontrez un musulman, ndlr). L’annonce peut sembler bizarre à première vue. Mais dans le contexte post-attentat de San Bernardino, en 2015, il prend tout son sens pour Moina Shaiq. Cette Américaine s’est lancée dans une initiative personnelle pour mieux informer ses compatriotes, quotidiennement désinformés sur l’islam via d’innombrables amalgames faits autour du terrorisme, du sexisme et de la violence. La première fois qu’elle se jeta à l’eau, elle ne croyait pas trouver une seule personne qui répondrait à cette annonce. En se rendant à son rendez-vous avec son ordinateur portable, une centaine de personnes pourtant l’attendait. «Cela m’a montré à quel point les gens peuvent vous tendre la main», confia-t-elle au Seattle Times. A l’Indo Cafe, au nord de Seattle, Moina a rencontré plus de 20 personnes venues lui poser toutes sortes de questions sur l’islam. L’événement «Meet a Muslim» a été l’un des trois événements organisés par Crooked Trails, une ONG axée sur les échanges culturels. « Vous ne pouvez pas connaître un pays si vous ne connaissez pas les gens », a déclaré sa directrice générale Christine Mackay, qui s’est souvenu de « Meet a muslim » après les élections de 2016. Il a fallu plus d’un an pour organiser l’événement à Seattle. « Je voyage dans le monde depuis 40 ans », a-t-elle dit, « et je ne connais pas grand-chose à la religion musulmane ». Samedi dernier, Shaiq était à l’Association musulmane de la mosquée de Puget Sound, où les gens étaient invités à « connaître la vérité » sur l’islam et ses pratiquants, discussions agrémentées de plats typiques malaisiens.
« Un type a dit qu’il me trancherait la gorge si je l’offensais »
L’événement Indo Cafe a également été parrainé par Project Feast, une organisation à but non lucratif dirigée par Veena Presad, qui aide les réfugiés et les migrants à réussir dans l’industrie alimentaire. « La cuisine devient le moyen pour les réfugiés d’avoir des échanges interculturels », a expliqué M. Presad.
A chaque nouvelle rencontre, Shaiq raconte son histoire. Née au Pakistan, elle est venue aux États-Unis en 1978 pour épouser son mari, un universitaire. Ils ont élevé trois enfants à Fremont, en Californie, où vit encore Moina. Chaque semaine, elle intervient dans des églises, des écoles et des maisons privées, de la Californie au Massachusetts, expliquant les différences entre sunnites et chiites, les droits des femmes dans l’Islam, les cinq piliers de l’islam, etc. « Oui, c’est une religion patriarcale, a-t-elle dit, mais en tant que musulmane, une femme n’est pas obligée de travailler. Si elle le fait, elle peut garder son propre argent », dit-elle, ajoutant : « Qui n’aimerait pas ça? ». Moina Shaiq évoque souvent ce que c’est que d’être un musulman américain depuis le 11 septembre. « La plupart des gens sont bons », a déclaré Shaiq. « Mais depuis les élections, certains sont devenus plus agressifs. Ils n’ont pas peur. Un type a dit qu’il me trancherait la gorge si je l’offensais ». Les questions varient souvent. Comment les femmes musulmanes portant des hijabs, et qui assistent à des cours de spinning en salle de gym, supportent-elles la chaleur ? « L’air est conditionné », a répondu Moina Shaiq, un sourire aux lèvres.