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mardi 15 octobre 2024

Le CFCM vote de nouveaux statuts

Lettre ouverte suite aux excuses présentées par Michel Houellebecq aux musulmans de France Mizane.info
Mohammed Moussaoui est le co-président du Conseil français du culte musulman. ©Mizane.info

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a procédé à l’adoption en assemblée générale extraordinaire de nouveaux statuts sur la base de deux orientations nouvelles. Mizane.info vous explique pourquoi.

Cette fois l’essai a été transformé. Après une première assemblée générale extraordinaire réunie le 19 février sans succès faute d’un quorum suffisant, le CFCM a rejoué et conclut l’essai. Le vote et l’adoption des nouveaux statuts, projet porté depuis de nombreuses années par l’actuel co-président Mohammed Moussaoui, marque une nouvelle étape pour la structure que tout le monde disait enterrée.

Deux piliers structurent cette réforme des statuts du CFCM. La réorganisation du CFCM « sur la base de structures départementales dans lesquelles peuvent siéger, d’une manière égalitaire, toutes les mosquées de France », est le premier de ces piliers, indique le communiqué du CFCM consulté par Mizane.info. La « fin du système de cooptation » de la moitié des membres du CFCM est le second.

La nouvelle séquence du CFCM

« Par ces deux changements, le CFCM souhaite ainsi redonner la parole aux acteurs locaux élus par leurs pairs qui auront la légitimité nécessaire », poursuit le texte. Le CFCM espère que cette réforme mette fin aux « divisions artificielles qui ont lourdement entravé le CFCM dans ses missions ». Le CFCM revendique représenter « plus de 1.100 mosquées », sur environs 2.500 lieux de culte et annonce l’adoption prochaine d’un « nouveau règlement électoral ».

La réforme a été soutenue à l’unanimité des acteurs institutionnels restés au sein du CFCM. Elle intervient au terme d’une séquence historique des plus douloureuses pour l’institution.

La signature de la charte des principes de l’islam avait provoqué il y a deux ans le gel de la participation de plusieurs fédérations du CFCM, mécontentes du refus de certaines autres fédérations de la signer, ce qui avait ouvert la première brèche dans l’édifice. Les annonces successives du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et du président de la République Emmanuel Macron déclarant la mort et la fin du CFCM avaient semblé sonner son glas.

Mais les acteurs du CFCM ne l’entendent pas ainsi et joue la tempérance, espérant de meilleurs lendemain. Leurs mobilisation sur le terrain, la structuration de leurs initiatives locales, via les fédérations restantes, sont leur dernier va-tout.

Le FORIF, au-delà du CFCM

La création du Forum de l’islam de France, lancé par le gouvernement il y a un an, un espace de travail initié par le bureau central des cultes en lien avec les préfectures et des acteurs musulmans locaux, avait été la réponse du gouvernement, mécontent de la stagnation du CFCM et de l’ingérence consulaire persistante.

Un passage en force césariste au-dessus des pays étrangers et au-dessus de la laïcité jugé nécessaire par la gouvernance Macron. Les cadres associatifs et imams engagés dans le FORIF y ont vu pour leur part l’opportunité d’avancer sur des dossiers laissés en berne (comme le statut de l’imam) par la guerre permanente que se livraient l’Algérie et le Maroc via leurs fédérations respectives.

La réforme du CFCM suffira-t-elle à relancer l’institution la plus mal aimée des musulmans de France ? Rien n’est moins sûr, au moins à court et moyen terme. La départementalisation de l’organisation du culte musulman votée par le CFCM a déjà été mise en place sous une certaine forme par les Assises territoriales de l’islam lancées par les préfectures.

Certes, il n’y est pas question d’élections départementales mais de « consultations locales ». Néanmoins, au-delà de la rhétorique sur un « accompagnement » des acteurs musulmans par la médiation du FORIF, l’État à travers un vaste dispositif constitué des Assises territoriales, du FORIF donc, de la Fondation de l’islam de France et de la création le 2 février 2022 de l’Institut français d’islamologie (IFI) semble bel et bien déterminé à organiser l’islam de France dans tous ses aspects (cultuels, culturels, scientifiques) afin de garder la main quoi qu’il arrive.

Le CFCM contre le sens de l’histoire

L’État ne peut pas le faire sans la participation des acteurs musulmans, au moins d’une fraction suffisante d’entre eux pour ce qui est du volet cultuel. Le FORIF n’étant pas une institution musulmane, le besoin d’une telle institution et la nécessité de se prononcer sur certaines questions nationales (annonces des dates de Ramadan, aïd, réaction à des événements nationaux, etc) seront donc maintenus.

Mais le CFCM va contre le sens de l’histoire. Les musulmans de France de la troisième et bientôt quatrième génération ne veulent plus de tutelle politique consulaire, tout comme ils ne veulent plus d’un islam culturel importé, incompatible avec leurs habitus. En 2018, 84 % de musulmans sondés estimaient que le CFCM ne faisait pas du bon travail et 80 % ne se sentaient pas représentés par lui. La rupture sur ces deux point est donc consommée.

Et la fin du système de cooptation n’y change rien puisque le CFCM, sous des modalités diverses, n’a toujours pas rompu ses liens avec les pays étrangers. Un bilan critique détaillée de cette institution est encore attendu, préalable à une révolution culturelle qui pour beaucoup survient trop tard. Il n’en demeure pas moins qu’avec 1100 lieux de culte, les fédérations du CFCM gardent une capacité d’influence et de résistance qui ne doivent pas être minimisées. On voit mal comment l’exécutif pourra définitivement les tenir à l’écart.  

On rappellera d’ailleurs que les musulmans de France ne veulent pas davantage d’un islam d’état sous contrôle politique français. L’exception laïque du fait musulman français, de la colonisation à aujourd’hui, est un autre archaïsme que le gouvernement ne semble pas décidé à abandonner. Il le devra bien pourtant s’il veut qu’une institution musulmane française sérieuse, légitime et opérante puisse émerger sur le territoire national. Au risque de devoir assumer devant l’Histoire la fâcheuse promotion d’un nouveau type d’islam politique cette fois ci séculier et sur le modèle gallican.

De ces deux mouvements contradictoires pourrait peut être naître une future institution musulmane indépendante qui ne soit ni sous la coupe de l’étranger, ni sous celle de la Place Beauvau conformément à la séparation des pouvoirs consacrée par la laïcité juridique. C’est bien le seul horizon que les fidèles de la seconde religion de France semblent décidés à accepter.

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