Après le massacre, en juillet 2014, de plusieurs enfants à Gaza ciblés par un missile israélien, une plainte est en cours, depuis 2016 en France, pour « complicité de crime de guerre » et « homicide involontaire ». Elle vise une société française, Exxelia, qui a livré des composants servant à fabriquer le missile en question. Le focus de la rédaction.
Le 17 juillet 2014, huitième jour de guerre sur Gaza. Trois des enfants du couple palestinien Wissam et Kefah Shuheibar profitent d’une trêve, conclue entre le Hamas et l’armée israélienne, pour aller s’amuser sur le toit de leur immeuble avec deux de leurs cousins.
L’immeuble situé dans le quartier de Sabra, à Gaza ville, n’est pas en zone militaire. Malgré cette apparente accalmie, un drone meurtrier cible volontairement le toit où les enfants jouent.
Deux enfants meurent sur le coup : Wassim, 9 ans, et Jihad, 10 ans. La petite Afnan, 8 ans, succombera à ses blessures dans l’ambulance. Deux autres enfants, Oudaï et Bassel, sont grièvement blessés. C’est le début d’un long combat judiciaire qui retentira jusque dans les locaux du tribunal judicaire de Paris.
Un tir meurtrier et précis
Wissam Shuheibar, toujours affecté près de dix ans plus tard, précise les circonstances du drame du 17 juillet 2014 : « Quand le missile est tombé sur le toit. J’ai ouvert la fenêtre pour comprendre ce qui se passait et j’ai vu tous les voisins regarder dans la direction de ma terrasse. ». Le père et oncle, des enfants ciblés, se précipite sur le toit et découvre une scène terrifiante :
« Là, j’ai vu une mare de sang, le réservoir d’eau fuyait de partout et se mélangeait au sang des enfants. La bombe n’avait pas creusé un grand trou, mais les murs étaient criblés de milliers de petits éclats de métal. »
Le missile, tiré par un drone, est meurtrier et précis : les éclats ne dépassent pas une zone de deux à trois mètres. C’est une arme de précision − un missile − faite pour tuer une cible humaine sans détruire un bâtiment tout entier.
Un fils de Wissam, Oudaï, et un de ses neveux, Bassel, grièvement blessés seront transportés jusqu’en Europe pour diverses opérations mais ils gardent d’importantes séquelles mentales sans parler des séquelles psychologiques qui touchent toute la famille.
« On n’a toujours pas compris la raison de ce tir. Les enfants voulaient seulement donner à manger à nos pigeons sur le toit. Dix minutes plus tard, trois d’entre eux, dont ma fille unique, étaient morts déchiquetés. Nous avons essayé d’obtenir justice en Israël, mais toutes nos plaintes ont été rejetées. »
Une plainte en France déposé en 2016
En 2016, Wissam Shuheibar et son épouse, déposent une plainte en France pour « homicide involontaire » et « complicité de crime de guerre ». Ils sont représenté par l’avocat Me Breham.
Une nouvelle plainte avec constitution de partie civile est déposée après le classement sans suite de la précédente. Elle entraîne l’ouverture d’une information judiciaire et la nomination d’un juge d’instruction.
La plainte vise une société française, Exxelia, fabricant de capteur de position qui exporte ses produits vers Israël. La société compte parmi ses clients le ministère de la défense israélien et la société Rafael, qui fabrique l’ensemble des missiles de l’Etat hébreux. Un de leur capteur de position, identifié par des experts en armement, a été retrouvé sur le missile qui a touché les enfants palestiniens sur le toit.
La plainte se fonde donc juridiquement sur la responsabilité d’Exxelia Technologies dans l’infraction d’homicide involontaire et sur la compétence universelle de la justice française en matière de crimes de guerre.
Une indifférence coupable à la vie
Le bombardement de la famille Shuheibar a été documenté par la commission d’enquête des Nations unies, qui stipule qu’aucune cible militaire était identifiable dans le secteur résidentiel de la famille. La plainte précise :
« En l’espèce, il est reproché à l’entreprise Exxelia Technologies, de s’être rendue coupable de complicité, par la fourniture de moyens, de crimes de guerre commis à l’encontre de la famille Shuheibar. (…) Il semble incontestable que la société Exxelia Technologies aurait fait preuve d’une indifférence coupable à la vie. »
La plainte estime que la faute de la société Exxelia est caractérisée par le fait que des violations du droit international et des crimes de guerre ont été documentés à la suite de l’opération « Plomb durci » de l’armée israélienne contre Gaza, en décembre 2008 et janvier 2009, notamment par l’utilisation de missiles contre des civils.
Le 18 juillet 2023, Wissam Shuheibar et son épouse ont été entendu, pour la première fois, par la juge chargée de l’instruction au tribunal judiciaire de Paris.
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