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mardi 03 décembre 2024

Walter Vogels : les limites de la méthode historico-critique 2/2

Seconde partie du texte de Walter Vogels consacré à l’analyse critique de la méthode historico-critique appliquée à la Bible. Dans ce second volet, l’auteur se penche plus précisément sur les effets pratiques et sur les résultats obtenus par cette méthode auprès des exégètes et des clercs religieux. 

La méthode historico-critique veut reconstruire le contexte historique dans lequel les textes bibliques ont pris leur origine. Elle recherche le sens historique. La question qu’elle se pose est celle-ci: « Qu’est-ce que l’auteur a voulu dire? »

Diachronique vs Synchronique

La méthode aborde les textes avec une certaine méfiance. Étant donné l’âge de ces textes et la longue période de leur transmission, elle soupçonne que les textes sont corrompus. Elle essaie donc, par la critique textuelle, de reconstruire le texte original. Elle est frappée ensuite par les disharmonies du texte; elle découvre des ruptures, des manques de logique, des répétitions et d’autres irrégularités.

Elle tente ainsi de dégager les différents niveaux du texte ou les ajouts qu’on a pu faire, par exemple, aux textes prophétiques. De là, on aboutit à la théorie des quatre traditions pour le Pentateuque, puis à la théorie des deux sources pour les évangiles synoptiques. Une même tradition du Pentateuque est parfois morcelée. On y distingue plusieurs couches 51. Selon la finesse de l’exégète, on arrive à des reconstructions impressionnantes.

Retrouver la 1ere partie de l’article : Walter Vogels : les limites de la méthode historico-critique 1/2

On a même parlé de l’époque « des ciseaux et des pots de colle », à laquelle quelques auteurs semblent tenir encore 52. En somme, on étudie la genèse du texte. La vision de la méthode historico-critique est donc manifestement diachronique (qui a trait aux évolutions des faits de langue, ndlr). Chaque choix laisse de côté une autre possibilité.

Les avantages de l’approche synchronique

L’approche synchronique (étude contemporaine de faits en dehors de leur évolution historique, ndlr) de la réalité a souvent été négligée : l’on commence à s’en soucier de plus en plus. En psychanalyse, le thérapeute enquête sur le passé du patient, sur sa famille, sur son enfance. Un nouveau courant, par contre, celui de la psychothérapie existentielle, prend le patient où il en est maintenant. Il s’agit d’une optique synchronique.

Dans les sciences du langage et la linguistique, on constate un phénomène semblable.

Barr a réagi fortement contre l’approche étymologique de Kittel (Th.W.N.T.) en vue de déterminer le sens soi-disant « original » d’un mot. Il maintient que, pour trouver le sens d’un mot, il faut s’en tenir à l’usage actuel de ce mot dans son contexte particulier 53. Une approche synchronique de la Bible serait également possible 54. Elle ne s’intéresserait plus à la genèse du texte, mais au texte tel que nous l’avons sous nos yeux.

La démarche de la Redaktionsgeschichte s’en rapproche le plus, sans pour autant devenir vraiment synchronique. Quelques exemples feront voir la différence entre les deux approches. Considérons d’abord le cas de l’analyse des textes particuliers. On a fait remarquer que le récit de la création (Gen. 1) contient certaines « contradictions » et irrégularités. Dieu crée parfois par sa parole, parfois par une action. On en a conclu que le texte est composé de deux couches : un « Wortbericht » et un » Tatbericht ».

En faisant ce découpage, on ne dit rien de l’ensemble du texte actuel 55.

Mais on peut se demander ce qu’on comprend mieux. On connaît ce qui est avant le texte et en dehors du texte : le pré-texte et le hors-texte (ou extra-texte). La recherche de l’auteur (ou même de ce qui vient avant l’auteur) a négligé le texte lui-même qui, pourtant, est la seule réalité dont nous sommes certains.

Une approche synchronique peut montrer comment le texte, tel qu’on l’a maintenant, parle de la fidélité de Dieu. Dieu fait ce qu’il dit 56. On peut bien diviser le récit du déluge (Gen. 6,5-9,17) selon les deux traditions, puis étudier séparément le récit J et le récit P, ou même les comparer 57. Tout autre est l’approche de celui qui prend le texte tel qu’il 1’a entre les mains 58.

Les deux démarches aboutiront aussi à des résultats différents, lorsqu’il s’agira de l’étude d’un thème biblique. Elles affecteront la « théologie biblique ». On pourrait, par exemple, étudier le thème de l’universalisme biblique selon les deux méthodes. La méthode diachronique étudiera des textes selon leur ordre chronologique. Elle mettra ainsi en évidence la progression dans la prise de conscience par Israël de l’universalisme 59.

Une démarche qui se veut synchronique étudie le développement du thème dans la Bible telle qu’elle se présente à nous 60.

A lire également : Le christiano-centrisme de la méthode historico-critique

L’étude de la Bible dans son ensemble révélerait d’autres différences. De nombreux exégètes s’entendent pour commencer l’étude de la Bible à partir de l’Exode, puisque c’est là qu’Israël a pris conscience de Yahweh pour la première fois. L’étude de la Bible devrait ainsi se faire selon l’ordre chronologique et l’étude de Genèse 1-11 se situerait alors vers la fin de l’Ancien Testament.

On a même édité la Bible telle qu’elle aurait dû être publiée 61. Cet essai ressemble un peu aux tentatives abandonnées depuis longtemps sur la vie de Jésus, ou les quatre évangiles en un seul. Par ailleurs, il y a toute une richesse à prendre la Bible telle qu’elle est publiée.

Que la Bible s’ouvre par Genèse 1-11 n’est pas sans intérêt pour la compréhension de l’ensemble des Écritures 62. Notons que les diverses reconstructions basées sur l’approche diachronique sont loin d’obtenir l’adhésion unanime des auteurs, parce qu’elles restent toujours hypothétiques. Il y a au moins une chose sur laquelle on peut s’entendre : c’est la Bible prise telle qu’elle nous a été transmise.

Auteur vs Texte

L’exégète historico-critique va ainsi à la recherche du sens voulu par l’auteur. Mais la démarche diachronique lui a fait réaliser combien la question de 1’ « auteur » d’un texte est complexe. Comme le texte a connu une longue histoire, de quel auteur parle-t-on ?

De celui qui est tout au début, ou de ceux qui ont pu ajouter des éléments au cours de la tradition, ou de celui qui en a fait la rédaction finale ? Pour un grand nombre de textes, l’auteur devient ainsi un illustre inconnu dont je ne sais rien ou presque rien. Alors, comment arriver à savoir ce qu’il a voulu dire ? Et comment reconstruire d’une façon valable et objective le contexte historique de cet auteur pour lequel on n’a souvent que le texte qu’il a laissé ?

Même au cas où l’on pourrait déterminer l’auteur avec précision, comment comprendre quelqu’un qui a vécu des dizaines de siècles avant nous, qui appartient à une tout autre culture, qui parlait une tout autre langue, dans un milieu si différent du nôtre ? On a déjà tellement de difficultés à comprendre ses propres contemporains, ou des gens avec lesquels on vit quotidiennement.

Combien de malentendus dans nos relations humaines !

Martin Luther.

On pourrait ici se rappeler la fameuse phrase de Hegel : « Es gab nur ein Student der mich verstanden hat, und er hat mich missverstanden (« Un seul de mes élèves m’a compris et il m’a mal compris », ndlr). » L’exégèse historico-critique pousse parfois son enquête bien au-delà de l’auteur. Plusieurs textes proviennent de la tradition orale. Toute la recherche sur les « ipsissima verba Jesus » dépasse de loin la recherche du sens voulu par l’auteur d’un texte.

On prétend quelquefois avoir mieux compris que l’auteur ce qui se trouve en dessous d’un texte. Les fouilles archéologiques nous ont donné des renseignements sur l’époque des patriarches que les auteurs des différentes traditions n’avaient pas 63. On a cru que, derrière l’histoire de la descente d’Abraham et de Sarah en Égypte (Gen. 12, 10-20), se cache une coutume particulière.

Qu’Abraham puisse appeler sa femme Sarah sa sœur serait basé sur un statut particulier de certaines femmes dans la société de l’époque 64. Le Yahwiste, écrivant des siècles plus tard, ne connaissait plus cette coutume. Il aurait changé le sens du récit en soulignant la beauté de Sarah, l’astuce et donc l’intelligence d’Abraham et la protection de Yahweh.

Autrement dit, on croit mieux comprendre que ne le fait l’auteur lui-même. On pourrait encore signaler le mystère qui entoure le nom d’Isaac.

« La recherche de l’auteur a négligé le texte lui-même »

Selon la tradition P, Abraham rit (Gen. 17,17); selon la tradition], Sarah rit (Gen. 18,12 sq.), et selon la tradition (?), c’est Sarah (Gen. 21,6), les voisines (Gen. 21,6) et Ismaël (Gen. 21,9) qui rient. La confusion serait due au fait que le nom Isaac était une abréviation d’un nom « Isaac-el » dont nous savons maintenant qu’il signifie « Dieu sourit » 65. Nous comprenons mieux que les auteurs bibliques eux-mêmes !

Mais on peut se demander ce qu’on comprend mieux. On connaît ce qui est avant le texte et en dehors du texte : le pré-texte et le hors-texte (ou extra-texte). La recherche de l’auteur (ou même de ce qui vient avant l’auteur) a négligé le texte lui-même qui, pourtant, est la seule réalité dont nous sommes certains.

Les auteurs travaillant d’une façon synchronique et pour lesquels le texte est une réalité en lui-même, suggèrent qu’il n’y a pas un seul sens, celui que veut l’auteur, mais des sens perçus par le lecteur. Non pas que le lecteur puisse voir dans le texte n’importe quoi, n’importe comment, car le texte a ses propres lois. Le texte « permet » de voir certains sens, mais il « résiste » à d’autres sens. Pour cette raison, les sémioticiens prétendent être plus « objectifs » que l’exégète historico-critique, qui restera toujours dans l’hypothétique lorsqu’il tentera de déterminer l’intention exacte de l’auteur.

Récemment, d’importantes recherches se sont pencher sur ce qu’est un texte 66. Le texte est une réalité en lui-même. Quand l’auteur écrit un texte, il crée une nouvelle réalité. Dans le discours parlé, il n’y a que celui qui parle et celui qui écoute. Il y a un échange de questions et de réponses, les deux acteurs étant présents. Dans l’écriture, il y a l’auteur, le texte et le lecteur. Cela suppose deux actions : l’acte d’écrire et l’acte de lire. Lesquelles se font séparément l’une de l’autre. Quand un auteur décide de mettre un texte en circulation, il perd son autorité sur le texte.

Pendant qu’il vit, il pourrait bien encore protester contre une mauvaise interprétation de son texte; mais il se peut aussi qu’il doive donner raison au lecteur et avouer que le texte, de fait, n’a pas rendu exactement ce qu’il a voulu dire.

Ce sont des expériences que nous avons tous connues.

On lit une lettre d’un ami et l’on se dit : « Je suis certain qu’il n’a pas voulu dire cela ». Il suffit que l’auteur ait oublié un mot, une virgule. Le texte est donc une réalité en lui-même. Surtout lorsque son auteur est mort, on ne pourra plus jamais lui demander des explications sur son écrit. A.-J. Greimas répète ainsi : « Hors du texte, point de salut ! » Il n’y a que le texte 67.

Un texte est intelligible parce qu’il respecte certaines structures que les sémioticiens actuels essaient de dégager. Comme chaque phrase obéit à une grammaire, un récit respecte une grammaire narrative et une organisation discursive. Ces structures dépassent les cultures et les âges; elles sont comme innées en l’homme.

Une telle approche insiste donc sur la nature communautaire de la langue et de la communication que l’auteur individuel doit respecter; c’est ce qui rend le texte ouvert à toute personne qui sait lire. L’auteur jouit d’une grande liberté mais il doit tenir compte de cette grammaire. Comme dans le jeu d’échecs : les possibilités sont innombrables pour le joueur, mais à l’intérieur des règles du jeu. 3.

« Le » sens vs « les » sens

La méthode historico-critique veut découvrir « le sens voulu par l’auteur ». L’exégète croit que l’auteur a déposé dans le texte un sens que son travail d’archéologue lui fera découvrir. En somme, il prétend que le texte appartient à l’auteur. C’est l’auteur qui a fixé une fois pour toutes ce que le texte signifie. D’où la difficulté qu’éprouve le lecteur à comprendre le texte, surtout si l’auteur est tellement distant de lui.

De nouvelles méthodes réagissent contre une telle approche. La méthode psycho-analytique, qui n’en est qu’à ses débuts, questionne cette recherche du « sens voulu par l’auteur ». La psychanalyse a démontré l’existence dans l’homme de toute une sphère d’inconscient. Ainsi, il se peut très bien qu’un texte contienne un sens que son auteur n’a pas voulu directement, mais qui peut néanmoins lui être attribué inconsciemment.

Les auteurs travaillant d’une façon synchronique et pour lesquels le texte est une réalité en lui-même, suggèrent qu’il n’y a pas un seul sens, celui que veut l’auteur, mais des sens perçus par le lecteur. Non pas que le lecteur puisse voir dans le texte n’importe quoi, n’importe comment, car le texte a ses propres lois.

Le texte « permet » de voir certains sens, mais il « résiste » à d’autres sens.

Pour cette raison, les sémioticiens prétendent être plus « objectifs » que l’exégète historico-critique, qui restera toujours dans l’hypothétique lorsqu’il tentera de déterminer l’intention exacte de l’auteur. Trouver la grammaire narrative et le fonctionnement d’un texte est une démarche plus objective, tout comme il n’y a rien de subjectif dans la détermination du sujet ou de l’objet d’un verbe dans une phrase.

Ceci est particulièrement clair en d’autres domaines tels que la musique ou la peinture.

Lorsqu’on entend une pièce de musique, on ne se demande pas ce que le compositeur a voulu dire exactement, mais chacun se laisse emporter à sa façon par la beauté de la pièce, qui d’ailleurs est recréée par celui qui l’interprète. Quand on regarde une peinture, moderne surtout, on fait la même expérience.

Chacun goûte la peinture différemment, mais on est pourtant limité par l’œuvre; on ne peut pas voir un éléphant dans un arbre.

Cette approche maintient donc que le texte n’appartient plus à l’auteur, mais au lecteur. Le texte en soi est un objet mort ou en hibernation. Le lecteur le fait revivre, lui donne des sens toujours nouveaux à l’intérieur des lois qui régissent le texte 68. Au lieu d’être orientée vers l’intention de l’auteur, toute une recherche pourrait également porter sur l’attente du lecteur 69.

Les résultats obtenus par la méthode historico-critique

Cette dernière partie veut être une réflexion très pragmatique sur les résultats obtenus par la méthode historico-critique. Quel est son effet sur ceux qui devraient en profiter ?

Dans la société humaine, un produit ne se vend bien que s’il plaît au consommateur.

Urs von Balthasar lance des appels urgents pour construire une théologie qui serait plutôt « sapientia », comme elle le fut au 12e siècle, au lieu de n’être que « scientia », comme elle l’est devenue au 13e siècle, avec la coupure pratiquée entre théologie et exégèse ; il incite l’exégète, quelquefois dans un langage assez direct, à avoir aussi un « sens ecclésial ».

Tous les systèmes politiques peuvent tenir quelque temps, parfois par la force; mais si le peuple est déçu, tôt ou tard le système disparaîtra. C’est une loi qui se vérifie universellement, qu’on le veuille ou non. Est-ce que la méthode historico-critique subsistera ? Cela dépendra de la satisfaction ou de l’insatisfaction qu’elle procure à ses usagers.

Aucune réflexion philosophique ne pourra retenir ce courant.

L’exégète

Le premier usager de la méthode historico-critique est l’exégète de métier 70. Il a sans aucun doute profité énormément de la méthode. Le but de notre étude n’est pas d’y revenir, mais plutôt d’indiquer les limites de la méthode et ses effets négatifs. Premièrement, la méthode a introduit une coupure entre l’Ancien et le Nouveau Testament avec toutes les conséquences qui s’ensuivirent 71. C’est là un fait assez récent dans l’histoire de l’exégèse 72.

Les problèmes qui se posent pour les deux parties de la Bible et les connaissances auxiliaires qui sont requises, rendent très difficile la maîtrise de l’ensemble. La terminologie technique varie : on parlera plutôt de « Gattungsforschung » pour l’Ancien Testament, mais de « Formgeschichte » pour le Nouveau. Les introductions à la Bible et les collections de guides de lecture traitent séparément de l’Ancien et du Nouveau 73.

On ne trouve plus une théologie biblique, mais des théologies de l’Ancien et du Nouveau Testament. Celui qui veut se spécialiser dans les études bibliques doit choisir l’un ou l’autre Testament. On est professeur de l’un ou de l’autre. Rares sont les exégètes qui s’aventurent dans l’autre secteur, s’exposant ainsi aux critiques de leurs collègues 74. Deuxièmement, la complexité de la méthode 75 exige que le chercheur prenne connaissance de tout ce qui a déjà été publié sur un texte avant de pouvoir se prononcer sur ce passage.

On remarque régulièrement que tel auteur d’un volume est durement blâmé dans un compte rendu de son étude, parce qu’il n’a pas tenu compte d’un ouvrage, même si par ailleurs sa bibliographie est très abondante 76. Le commentateur risque fort de devenir un commentateur de commentaires.

Il lui est devenu très difficile d’aborder le texte directement. Il ne goûte plus ce qu’on a pu appeler « le plaisir du texte » 77.

L’exégète, nouveau clerc

Troisièmement, ce travail ardu que poursuit l’exégète pour devenir compétent dans sa matière en fait un expert. On attend de lui qu’il puisse donner le sens du texte. Combien de fois les gens recourent à l’exégète pour lui demander le sens d’un texte ! Le danger existe alors qu’il commence à croire qu’il est le seul à détenir le savoir sur le texte.

Des reproches sévères sont adressés aux exégètes et ils invitent à un petit examen de conscience. Le texte suivant est assez éloquent.

« Le rôle accordé aux exégètes a accentué un nouveau cléricalisme. L’exégète, c’est celui qui sait. Si vous voulez accéder à la Bible, c’est-à-dire à la vérité, il faut passer par l’exégète. Voilà le nouveau clerc. Le nouveau curé, c’est le spécialiste. Un nouveau sacerdoce s’installe, celui du savoir, qui possède la clé de l’Écriture. La vulgarisation remplace la mission populaire : elle permet au pauvre peuple d’accéder à ce que l’exégète sait, car lui seul a un rapport immédiat avec le texte. Le clerc, par son travail méritoire, douloureux, scientifique, possède une vérité qu’il distribue. L’Évangile devient la propriété d’une élite 78 ».

Il n’y a qu’un pas à franchir pour devenir intolérant et se fermer à d’autres voies d’accès aux textes. Danger qui est loin d’être utopique ! 79 Il est en effet assez significatif que ceux qui pratiquent des méthodes différentes ont voulu (dû ?) fonder leurs propres revues scientifiques. Ainsi un nouvel acteur s’ajoute au schéma : en plus de l’auteur, du texte et du lecteur, il y a l’exégète.

« La méthode historico-critique place le texte loin de nous »

Le lecteur est supposé passer par lui pour pouvoir comprendre et, par conséquent, on lit beaucoup sur l’Écriture, mais on lit peu l’Écriture. Ces trois faiblesses de la méthode historico-critique s’expliquent par son caractère complexe. Chaque texte a ses exigences propres et doit être abordé de manière différente.

Cet inconvénient disparaîtrait avec une méthode qui permettrait d’appliquer des modèles universellement utilisables, donnant ainsi la clé pour accéder à n’importe quel texte. Toutes ces difficultés auxquelles fait face l’exégète lui-même valent, à plus forte raison, pour les autres usagers de la Bible.

Mais il s’y ajoutera une autre difficulté plus sérieuse encore. La méthode historico-critique place le texte loin de nous; elle insiste sur le fait que nous sommes étrangers au texte.

Elle cherche à savoir ce que le texte signifiait. Souvent, les questions « qu’est-ce que le texte signifie maintenant ?, 80 et « quelle est sa portée pour l’avenir » ? 81 sont laissées en suspens.

Comment atteindre ce sens existentiel ? D’une façon un peu schématique, on divise souvent ainsi les différentes fonctions : l’exégète cherche le sens historique du texte; il laisse au théologien le soin d’y réfléchir, au pasteur la mission de le traduire, et au fidèle la tâche de le vivre.

Nous verrons maintenant ce qui arrive à ces trois derniers usagers (parmi lesquels l’exégète de métier peut se retrouver). Parviennent-ils à faire le passage entre le sens d’« alors » et le sens de « maintenant »?

Le théologien

Les relations entre l’exégète et le théologien ne sont pas toujours des plus faciles 82. Quand l’exégète termine son commentaire sur un texte, il considère habituellement son travail comme fini. Il laisse la réflexion « théologique » à son collègue 83. Si l’étudiant, après avoir suivi l’analyse de Genèse 3, pose une question sur le « péché originel », l’exégète est porté à répondre que cela n’est plus de son ressort. Il renvoie l’étudiant au théologien systématique. Ce dernier est dans une situation bien embarrassante.

Si aucun exégète n’est plus capable de maîtriser toute la Bible, comment peut-on exiger un tel savoir-faire de la part du théologien, et cela comme prérequis seulement à sa propre réflexion théologique, fonction qui lui est propre ?

On retrouve alors deux attitudes. Certains dogmaticiens et moralistes essaient d’intégrer les données de l’exégèse récente dans leur travail théologique. Malheureusement, ils se voient fréquemment attaquer par les exégètes, qui décèlent bien des faiblesses dans la partie biblique de leur travail 84. D’autres théologiens demeurent sceptiques vis-à-vis de la méthode historico-critique.

A lire aussi : Angles morts : les origines de la méthode historico-critique du hadith

Barth demandait aux exégètes d’être plus « critiques » 85 et de dépasser les pures analyses historiques pour atteindre l’interprétation théologique. Les observations de Barth furent telles qu’on l’a considéré à tort comme ennemi de la méthode historique, alors qu’il ne voulait qu’atteindre la foi 86. Cet appel se fait du côté protestant 87, mais aussi du côté catholique. Songeons à K. Rahner par exemple 88.

Urs von Balthasar lance des appels urgents pour construire une théologie qui serait plutôt « sapientia », comme elle le fut au 12e siècle, au lieu de n’être que « scientia », comme elle l’est devenue au 13e siècle, avec la coupure pratiquée entre théologie et exégèse ; il incite l’exégète, quelquefois dans un langage assez direct, à avoir aussi un « sens ecclésial » 89.

L’exégète est parfois forcé d’avouer que de tels théologiens arrivent à des vues aussi profondes que les siennes après le laborieux travail technique qu’il a dû effectuer 90.

Le pasteur

Le pasteur ou le catéchète est dans une situation encore plus précaire 91. Disposant de moins de temps que l’exégète, il ne sait plus à qui se fier devant la variété des opinions, toujours changeantes d’ailleurs. Un volume exégétique publié il y a quelques années est-il encore valable ? Il se le demande.

Quel serait le meilleur commentaire sur tel ou tel livre biblique ? Le deuxième Concile de Vatican a insisté sur la valeur de l’homélie. Les catholiques ont ainsi rejoint leurs collègues protestants dans l’intérêt qu’ils portent à l’Écriture.

Selon des études faites sur le sujet, la méthode historico-critique n’a que très peu d’impact sur l’homélie des prédicateurs catholiques. Un peu moins de la moitié des pasteurs protestants en profitent. Pourtant ces derniers ont été formés depuis longtemps à cette méthode 92.

Ces résultats négatifs laissent rêveurs. Si l’exégèse est si « bonne », pourquoi la prédication est-elle si « mauvaise » ? Tout le blâme est-il du côté du prédicateur ? Il serait trop facile d’accuser le pasteur de paresse intellectuelle. C’est la méthode elle-même qu’on doit examiner.

L’exégète de métier lui-même, lorsqu’il devient homéliste, ressent le problème. C’est le meilleur indice que quelque chose ne va pas.

D’une façon plus brève et caricaturale (donc injuste), on pourrait dire que la méthode historico-critique a éliminé le texte en le coupant en morceaux. Elle est allée à la recherche de l’auteur pour découvrir qu’il est introuvable, vu qu’il demeure incertain et mort. Elle a finalement déclaré le lecteur incompétent lorsqu’il tente d’accéder au texte directement, sans passer par l’expert.

Certains des grands experts de l’exégèse moderne n’hésitent pas à prendre des positions différentes dans leur travail académique et dans leur travail pastoral 93. La méthode semble donc arriver assez difficilement à produire des effets profonds dans la pastorale. Elle risque fort de devenir sa propre prisonnière. Il pourrait arriver qu’elle finisse par faire son travail en cercle fermé, sans aucune influence sur le renouveau chrétien. N’y aurait-il pas d’autres voies d’accès au texte qui seraient plus praticables pour le pasteur ? 94

Le fidèle

Le chrétien qui s’intéresse à l’Écriture et qui connaît un peu ce qui se passe dans le domaine exégétique s’interroge 95. Sa curiosité intellectuelle l’incite peut-être à savoir ce que le texte signifiait pour les contemporains de l’auteur; mais comme croyant, il veut savoir comment le texte peut l’inspirer maintenant. Les fidèles adoptent alors des positions qu’on pourrait classer grosso modo en trois groupes.

Le groupe de « droite » a l’impression que la méthode historico-critique a détruit, ou est en train de démolir, tous les fondements de la foi 96. Il voit disparaître tout ce qu’il a’ toujours cru. Il demande avec angoisse : « Comment l’Église interprète ce texte? »

Comme s’il y avait une interprétation officielle qui pourrait le rassurer dans sa foi et condamner l’exégète hérétique ! Il est porté à se replier sur lui-même. Une telle attitude aboutit aux lectures fondamentalistes de la Bible.

Dans le groupe du « milieu » se trouvent ceux qui vont à l’Écriture en disant : « Qu’est-ce que le texte me dit ? Il me semble qu’il suggère que … ». On retrouve généralement cette approche dans le « partage d’Évangile ».

Dans le passé, on l’appelait pieusement « Lectio divina ». Il s’agit d’une rencontre personnelle du chrétien avec la parole de Dieu. Certains exégètes nomment maintenant cette approche une lecture « sauvage », « naïve » ou « spontanée » de la Bible.

Le groupe de « gauche » accuse l’exégèse d’être devenue une discipline qui n’a plus rien à voir avec la vie, d’avoir fait de l’étude de la Bible une recherche livresque et bourgeoise, d’avoir même déformé le but pour lequel la Bible avait été écrite. On veut toucher la vie. Au lieu d’analyser des idées, on veut analyser des pratiques. On s’oppose à toute lecture « théologique » 97. Cette préoccupation se retrouve dans les lectures matérialistes de l’Écriture.

Conclusion :

On peut résumer ces observations sur la méthode historico-critique dont on n’a énuméré ni les mérites ni les richesses, mais seulement les limites et les faiblesses. Une réflexion diachronique nous a amenés à voir comment la méthode est née dans une période historique particulière. De là, on s’est demandé si la méthode répond encore aux attentes et aux besoins de l’homme moderne qui vit dans un monde qui a bien changé.

Une réflexion synchronique sur la méthode en a indiqué les choix.

Chacun d’eux exclut d’autres possibilités : l’option très forte pour l’histoire plutôt que pour d’autres sciences humaines; le caractère critique basé sur la raison pure plutôt que sur une approche artistique et de foi; une lecture diachronique plutôt qu’une lecture synchronique des textes; la préférence pour l’auteur plutôt que pour le texte lui-même; la recherche du sens plutôt que l’ouverture à de multiples sens.

Enfin, une réflexion pragmatique a souligné la complexité de la méthode, ce qui rend son utilisation extrêmement difficile, sinon impossible, pour celui qui n’est pas spécialiste de tel ou tel secteur de l’Écriture. En plus, elle rejoint difficilement le « maintenant » du lecteur.

Cette question de la praticabilité de la méthode va, en dernière analyse, déterminer son sort. D’une façon plus brève et caricaturale (donc injuste), on pourrait dire que la méthode historico-critique a éliminé le texte en le coupant en morceaux. Elle est allée à la recherche de l’auteur pour découvrir qu’il est introuvable, vu qu’il demeure incertain et mort.

Elle a finalement déclaré le lecteur incompétent lorsqu’il tente d’accéder au texte directement, sans passer par l’expert. À chacun de voir s’il y a lieu d’améliorer la méthode, de la compléter par d’autres méthodes ou de lui en substituer une meilleure. N’y aurait-il pas une méthode qui procurerait des modèles que chacun pourrait appliquer directement à n’importe quel texte ?

Walter Vogels

Notes

51. Cf. les théories sur JI, J2. 13, etc. L’hypothèse documentaire a influencé par exemple l’étude de Qoheleth. On a ainsi voulu expliquer les apparentes « contradictions .. dans les affirmations de Qoheleth. C. SIEGFRIED divise le petit volume, qui ne contient que 11 chapitres, en 9 sources: Qoheleth 1. Q2, Q3, Q4, Q5; deux rédacteurs R[, R2; et deux épilogistes El, E2; Prediger. Handkommentar zum Alten Testament, Gottingen, [898 (cf. R. GORDIS, Koheleth-The Man and His World, New York, Bloch Publishing Company, [962, p. 70).
52. Pour ne signaler qu’un exemple, pour l’Ancien Testament, on peut consulter les travaux de F. LANGLAMET, Gilgal et les récits de la traversée du Jourdain (Jos. Ill-IV), Cahiers de la Revue Biblique [[, Paris. Gabalda, 1969. il distingue dans ce récit 9 niveaux (p. 39-43 et le résumé p. 139). La même méthode est utilisée par l’auteur dans ses articles dans la Revue Biblique. Pour le Nouveau Testament. voir F. NEIRYNCK, Duality in Mark. Contributions to the Study of the Markan Redaction, Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium XXXI, Leuven, Leuven University Press, 1972; ID .. The Minor Agreements of Matthew and Luke against Mark with a cumulative List, Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium XXXVII, Leuven, Leuven University Press, 1974 et plusieurs de ses articles dans Ephemerides Theologicae Lovanienses.
53. J. BARR, The Semantics of Biblical Language. London, Oxford University Press. 1962. 54. V.S. POYTHRESS, «Analysing a Biblical Text: Some Important Linguistic Distinctions, Scottish Journal of Theology ». 32 (1979) p. 1 [3-137. 55. W.H. SCHMIDT, Die Schopfungsgeschichte der Priesterschriji, Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament 17, Neukirchen, Neukirchener Verlag, 1964.
56. B. W. A~DERSON, «A Stylistic Study of the Priestly Creation Story,» dans Canon and Authority. Essays in Old Testament Religion and Theology, ed. G.W. Coats and B.O. Long, Philadelphia, Fortress Press, 1977, p. 148-162; L.M. PASINYA, «Le cadre littéraire de Genèse 1 »,Biblica, 57(1976), p. 225-241.
57. G. LAMBERT, « II n’y aura plus jamais de déluge (Genèse IX, II) », Nouvelle Revue Théolof(ique, 77 (1955), p. 581-601, 693-724.
58. B.W. ANDERSON, «From Analysis to Synthesis: the Interpretation of Genèse 1-11 « , Journal of Biblical Literature, 97 (1978), p. 23-39; G.l. WENHAM, «The Coherence of the Flood Narrative ,;, Vetus Testamentum, 28 (1978), p. 336-348.
59. Cette optique est clairement celle de P.-t. DION, Dieu universel et peuple élu. L’universalisme religieux en Israël depuis les origines jusqu’à la veille des luttes maccabéennes, Lectio Divina 83, Paris, Cerf, 1975.
60. Pour une telle approche cf. W. YOGELS, God’s Universal Covenant. A Biblical Study, Ottawa, University of Ottawa Press, 1979.
61. Cf. The Bible in Drder. AIl the writings which make up the Bible, arranged in their chronological order according to the dates at which they were written, or edited into the form in which we know them; seen against the history of the times, as the Bible provides it. With Introductions and Notes. Edited by l. RHYMER, Jerusalem Bible Version, London, Darton, Longman and Todd, 1975. Le titre du volume est pour le moins surprenant. Nos Bibles seraient-elles en désordre?
62. W. YOGELS, « L’universalisme de la préhistoire. Gn. 1-1 l « , Église et Théologie, 2 (1971), p. 5-34, surtout p. 8.
63. «The problem of the biblical accounts under discussion narrows down, therefore, to the question of how this mate rial was understood by the narrators. Tradition had apparently set much store by these incidents, but the key to them had been lost somewhere in the intervening distances of time and space « , E.A. SPEISER, Gene,i » The Anchor Bible I, Garden City (N.Y.), Doubleday, 1964, p. 93.
64. E.A. SPUSER, « The Wife-Sister Motif in the Patriarchal Narratives « , dans Biblical and O/her S/udies, ed. by A. Altman, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1963, p. 15-28. Nous ne le citons que comme exemple, car son interprétation est fortement discutée par d’autres orientalistes. 65. Sur le nom d’Isaac, voir R. DE V AUX, «Les Patriarches hébreux et l’histoire « , Revue Bihlique, 72 (1965), p. H-9, « Ce sont des étymologies populaires et elles indiquent que les noms n’étaient plus compris … « , p. 9.
66. P. RICŒUR, « Qu’est-ce qu’un texte ! Expliquer et comprendre », dans Hermeneutik und Dialektik, Aufsatze II. Sprache und Logik. Theorie der Auslegung und Probleme der Einzelwissenschaften, ed. R. Bubner, K. Cramer, R. Wiehl, Tübingen, J.CB. Mohr, 1970, p. 181-200, ID., « The Hermcneutical Function of Distanciation », Phi/osophy Today, 17 (1973), p. 129-141; R. LAPOINTE, Les trois dimensions de l’herméneutique, Cahiers de la Revue Biblique 8, Paris, Gabalda, 1967, p. 36 sq.; W. VOGELS, « L’analyse structurale et la pastorale. L’Histoire de Zachée (Luc 19, 1-10) », Lumen Vitae. 33 (1978), p. 231-241, réflexions sur «la réalité du texte », p. 232-233. 67. « C’est par le prophète Isaïe que Dieu a parlé aux hommes de Jérusalem. C’est par le livre d’Isaïe que Dieu nous parle aujourd’hui ». F. DREYFUS, art. cité. Revue Biblique, 82 (1975), p. 353.
68. « Finalement une « fidélité » à ce texte n’est pas possible, car il n’y a pas une vérité du texte. C’est la lecture qui produit des significations. Pas n’importe lesquelles, car le texte rend possible (et « permet ») ou au contraire interdit telle ou telle production de sens par le lecteur… Le sens n’est pas « avant » le texte ni « par-dessous » le texte. On peut indéfiniment produire des sens … C’est dire que tout sens n’est pas possible. Le texte présente un certain nombre d’arrêts » qui interdisent le « n’importe quoi » … On est loin du fondamentalisme ! Il ne s’agit plus d’une « vérité ». M. DE CERTEAU, dans Crise du biblisme, chance de la Bible, p. 50-51.
69. « Et le fait que, dans la modernité, on ait étudié beaucoup plus le phénomène de composition du livre, plutôt que la lecture elle-même, et que l’auteur soit un personnage démesurément privilégié par rapport au lecteur, c’est une situation qui relève d’une idéologie générale. Dans la théorie de la littérature qui cherche à s’édifier, une tâche importante est de faire une théorie de la lecture et du lecteur H, R. BARTHES, dans Exégèse et herméneutique, p. 256.
70. R. MACKENZIE, « La nature de l’œuvre de l’exégète vue par lui-même. » Concilium, n. 70 (1971), p. 11-18; L. ALONSO-SNLOKEL. « L’exégèse est-elle nécessaire ? », ibidem, p. 29-36.
71. L. BERKHOF, Principes of Biblica/ Interpretation, London, Evangelical Press, 1973, p. 134-140; A. PAl:L, L’Impertinence biblique, sur l’unité de la Bible, p. 55 sg. : «Juive ou chrétienne. la Bible est une, sinon elle n’est pas .. , p. 55; L. SABOURIN, «The Bible and Christ. The Unit y of the two Testaments … Biblica/ The%gy Bulletin, 8 (1978), p. 77-85; W. VOGELS, «Het éne, Oude en Nieuwe Testament .. , Objektief, 10 (1976), n. 1, p. 4-9.
72. « … Johann August Ernesti in his lnstitutio Interpreris Novi Tesrament! (1761) separated the Old and New Testaments in exegetical treatment .. , E. KRENTZ, The Hisrorica/-Cririca/ Method. p. 18.
73. Un exemple typique est la collection «Guides to Biblical Scholarship .. publiée par Fortress Press, Philadelphia. Elle est divisée en Old Testament Guides, eç!. G.M. Tucker. Un de ces volumes est de N. HABEL, Literar)’ Criticism of the OM Testament (1971). A côté de cela, on a New Testament Guides, ed. D.0. Via, avec le volume de W.A. BEARDSLEE, Literary Criticism of th,’ New Testament, (1970).
74. On rencontre parfois l’un ou l’autre exégète qui à une certaine période change de domaine. C’est le cas de A. FEUILLFT qui. après avoir travaillé dans l’Ancien Testament, semble maintenant préférer le Nouveau. Rares sont ceux qui osent aborder les deux domaines à la fois. On peut citer comme exemple: L. SABOURIN, qui publie sur le Nouveau Testament. Les noms et les titres de Jésus. Thèmes de Théologie Biblique. Brugge, Desciée de Brouwer, 1963, et pour l’Ancien, The Psalms. Their origin and meaning, Staten Island (N.Y.), Alba House, 1969,2 vol.; B. VAWTH., This Man Jesus. An essay toward a New Testament Christology, Garden City (N.Y.), Doubleday, 197.1, mais aussi “On Genesis: a new reading”, Garden City, (N.Y.), Doubleday, 1977.
75. « Les exégètes usent d’un langage propre à leur science. À propos d’un projet de traduction d’ouvrages allemands sur la Bible, on a calculé qu’il faudrait donner au préalable la traduction de quelque deux mille termes propres à la science de l’Ancien Testament », L. ALONSO-SCHOKEL, art. cité. Concilium, n. 70 (1971), p. 31. Il est bon de se rappeler une telle observation quand on aborde des méthodes nouvelles, qui, elles aussi, auront leur langage technique.
76. Il suffit de prendre connaissance chaque année du Elenchus Bibliographicus Biblicus, éd. P. NOBER, Rome, BibIical Institute Press, pour se rendre compte du nombre de publications dans le domaine biblique.
77. R. BARTHES, Le plaisir du texte, Coll. « Tel Quel », Paris, Seuil, 1973.
78. M. DE CERTHIJ, dans Crise du biblisme. chance de la Bible, p. 38-39.
79. « My hope is that the « rulers of the discipline » will, in time, come to recognize this fact as weil. If the)’ do not. they may well be cast in the role once occupied by the ardent Churchmen who castigaled the followers of Wellhausen during the tirst decades of this century .. , J.G. WILLI »MS, art. cité. Theologl’ Today, 30 (1973), p. 227.
80. F. DREVFUS,  » Exégèse en Sorbonne, exégèse en Église « , Revue Biblique, 82 (1975), p. 321-359; ID., « L’actualisation à l’intérieur de la Bible « , Revue Biblique, 83 (1976), p. 161-202; J. L’HOUR, Si je savais comment L’atteindre, Lectures bibliques, Paris, Le Centurion, 1978.
81 F. HAHN, .. Probleme historischer Kritik « , dans Zeitschrift fiir die Neutestamentliche Wissenschaft, 63 (1972), p. 1-17 .. Der historischen Kritik fehlt darüber hinaus, … , bei der Analyse biblischer Texte nicht allein die Gegenwarts-, sondern auch die Zukunftsdimension « , p. 17.
82. H. BOUILLARD, « Exégèse, herméneutique et théologie. Problèmes de méthode « , dans Exégèse et Herméneutique, p. 271-283; A. GEENSE, « Bijbelse theologie en dogmatiek « , Vox Theologica, 46 (1976), p. 25-36; E. HAMEL, » L’Écriture, âme de la théologie », Gregorianum, 52 (1971), p. 511-535; P. SCHOONENRERG, » Remarques d’un spécialiste en théologie systématique », Concilium, n. 70 (1971), p. 85-92; B.M.F. VAN [ERSEL, .. Interpretatie van de schrift en van het dogma. Enkele reflecties van een practiserend exegeet op de interpretatie van het dogma « , Tijdschrift voor Theologie, 8 (1968), p. 312-327 (avec un résumé français, p. 326-327); R. W ARE, .. Prédominance de la tradition dogmatique: Usage de l’Écriture dans la théologie courante. » Concilium, n. 70 (1971), p. 109-120; « Die Exegese in der Theologie. » Theologische Quartalschrift, 159 (1979), (n. 1 en entier).
83. Parfois l’exégète s’y risque un peu, mais généralement pas trop loin. Les volumes de la Bihlischer Kommentar contiennent un paragraphe sur le « Ziel,. de chaque péricope, mais très bref en comparaison du reste.
84. On pourrait donner comme exemple le compte rendu de A.L. DEscAMPs sur le volume de E. SCHILLFBHCKX, Jesus. Het verhaal van een levende, Brugge, Emmaüs – Bloemendaal, H. Nelisscn, 1974, dans Revue Théologique de Louvain, 6 (1975), p. 212-223, « Et c’est la première fois sans doute que l’A .. qui se veut théologien plutôt qu’exégète de métier, nous fournit un ouvrage qui est, aux huit dixièmes, un livre d’exégèse. En quoi il a tenu une gageure, car si son exégèse peut être souvent contestée, elle est néanmoins d’une assez bonne qualité technique « , p. 214-215, « S. a certes raison de récuser, comme théologien, le magistère des exégètes; on se demandera toutefois si l’exégèse n’a pas été soumise ici au magistère du théologien », p. 216. P. VAN ROSSUM, « La christologie du R.P. Schillebeeckx .. , Esprit et Vie, 85 (1975), p. 129-135 a une observation sur ce que S. aurait dû faire » Ne faudrait-il pas plutôt attendre et voir si telle opinion ou telle hypothèse est admise par la plupart des exégètes, dans quelle mesure elle doit être nuancée ou bien si elle est purement et simplement rejetée», p. 131-132. Le théologien attendra longtemps sans doute! On pourrait consulter également A.-L. DESCAMPS,  » La christologie de Hans Kling. Réflexions exégétiques .. , Revue Théologique de Louvain, 10 (1979), p. 51-75.
85. K. BARTH, L’Épître aux Romains, Genève, Labor et Fides, 1972 « … ceux qui pratiquent la critique historique devraient être plus critiques !, p. 15.
86. Barth demandait un jour à E. Kiiseman (1960) « Tell me, what does « historical » mean ? And « critical »? And what is the significance of the hyphen between the two words?, E. BUSCH, Karl Banh, His life from letters and autobiographical texts, Translated by J. Bowden, London, S.C.M. Press, 1976, p. 448.
87. J.J. KIWIET, « Hermeneutics in Historical Perspective, south eastern journal of theology, 16 (1974), p. 1-14; P. STUHLMACHER, Historical Criticism and Theological Interpretation of scripture, le traducteur R.A. Harrisville indique bien la valeur de cette étude dans l’introduction : « Perhaps Stuhlmacher’s most signal contribution in this volume, and the point at which a genuinc synthesis between the historical and theological begins c1early to emerge ….. , p. 12.
88. K. RAHNER, « Exégèse et Dogmatique », dans Exégèse et Dogmatique, éd. H. Vorgrimler (traduit par Y.c. Gélébart), Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 27-57: «Voilà pourquoi l’exégèse catholique est une science de la foi, pas seulement philologie ou science religieuse; elle a donc un rapport positif à la foi de l’Église et à son magistère … p. 32.
89. H. URS Vo!’l BALTHASAR, La gloire et la Croix, Les aspects esthétiques de la révélation, Coll. Théologie 61, Paris, Aubier, 1965: «la méthode historico-critique d’un scientisme historique obtus … ne parvient jamais à voir parce que sa méthode déjà le rend aveugle « , p. 394; ID., Retour au centre, Paris, Desclée de Brouwer, 1971, p. 66-67; .. Geist und Feuer » Ein Gesprach mit Hans Urs von Balthasar. Interview, Herder Korrespondenz, 30 (1976) Februar, p. 72-82, surtout p. 75. On peut trouver un bon résumé de la position de cct auteur face à la méthode historico-critique chez H. HEINZ, Der Gatt des Je-mehr. Der christologische Ansatz Hans Urs von Balthasars, Coll. Disputationes Theologicae 3, Bern, Herbert Lang. 1975, p. 63-66,
90. Par exemple: H.-J. VOGELS, Christi Abstieg ins Totenreich und das Liiuterungsgerichl an den Toten. Eine bibeltheologisch-dogmatische Untersuchung zum Glaubensartikel .. descendit ad inferos « , Freiburger theologische Studien 102, Freiburg, Herder, 1976. L’auteur fait une étude exégétique technique, p. 13-179, et exprime ainsi ses résultats: .. [) »s Ergebnis lasst sich also in dem Satz formulieren: Christus hat bei seincm Gang zu den wartenden Toten auch dort eine Liiuterungsmüglichkeit begründet. Interessant ist dabei die Übereinstimmung mit v. Balthasar, der in seinem Beitrag zur heilsgeschichtlichen Dogmatik Mysterium Salutis (l1l/2, 247 f.) von spekulativen Erwagungen aus zu demselben Ergebnis kommt « . p. 6. Nous avons choisi cet exemple parce qu’on vient de donner l’attitude de v. Balthasar vis-à-vis de la méthode historico-critique.
91. J. Al’DINET, « La table de l’Écriture: Bible et catéchèse des adultes », Concilium, n. 70 (1971), p. 121·-130; J.-P. CHARLlER, De L’exégèse à la prédication ou « L’Évangile, Bonne Nouvelle pour les simples et livre pour les savants », Cahiers de Froidmont 17, Rixensart, 1975; B. DREHER, » Exégèse et prédication « , Concilium, n. 70 (1971), p. 53-62; H.-M. FEREl,  » La théologie concrète et historique et son importance pastorale présente », dans Théologie. Le service théologique dans l’E’glise, Mélanges offerts à Yves Congar pour ses soixante-dix ans, par G. PHILIPS et autres, Paris, Cerf, 1974, p. 193-247 (pour l’exégèse, p. 216-224); S. VA!’I CAl.STER, Bijbel en Preek. Een pastoraaltheologische bijdrage tot de studie van de ho mi lie : Problematiek, Analyse, Reflexie ; Brugge, Emmaüs, 1978 (avec une abondante bibliographie sur la question p. 291-307).
92. L’ouvrage de S. VAN CALSTER, Bijbel en Preek, est une thèse doctorale dans laquelle il analyse 50 sermons donnés en Allemagne. Il arrive à des conclusions peu encourageantes. En bref, on peut les lire dans son résumé français, p. 309-323. « II apparaît d’abord que dans leur ensemble tant les prédicateurs catholiques que protestants cherchent à baser leur prédication sur la Bible (respectivement 72% et 96%). L’appel de Vatican Il était sans doute nécessaire pour les prédicateurs catholiques; il fut très bien entendu en général. Quoique seul un petit nombre réalisera véritablement une prédication biblique, qui réponde aux exigences. 8% des prédicateurs catholiques seulement et 48% de protestants abordent la Bible à l’aide de l’exégèse historico-critique « , p. 316. L’auteur défend pourtant que la méthode historico-critique est apte pour la prédication,  » La matière fournie par l’exégèse n’était pas sans valeur mais les prédicateurs ne savaient pas comment l’utiliser », p. 315.
93. «The Marburg sermons of Bultmann were c1assificd as « pietistic », and although he he Id the Virgin Birth and the Incarnation of an eternal Being as a « Iegend », Bultmann with obvious joy and satisfaction sent to Barth a copy of a Christmas sermon he had delivered « , E. M.\II·R. The End allhe Historico-Crilical Melhod, p. 21-22 (cf. K. BAR III, GesanHausgabe, V Briere. BD. l, Karl Barth – Rudolf Bultmann, Briefwechsel 1922-1966, Zürich, Theologischer Verlag, 1971, p. 66, p. 161).
94. Quelques tentatives ont été effectuées. Pour la catéchèse: A. FOSSION, « Lectures structurales des écritures en catéchèse « , Lumen Vilae, .13 (1978), p. 307-330: pour la prédication: W. VOGEl.S, « L’analyse structurale et la pastorale. L’histoire de Zachée (Luc 19, 1-10) « . l.umen Vitae, 33 (1978), p. 231-241.
95. « Notre époque sc désintéresse-t-elle de l’Écriture Sainte « , Concilium, n. 50 (! 969), p. 135-149: O. LORrrz. « Eglise et science biblique « . Concilium, n. 70 (1971), p. 63-73.
96. A Feuillet. art. cité. Revue Thomiste, 71 (1971), sur les doutes et les pertes de foi que l’exégèse peut provoquer. p. 246-250.
97. « Ce qui m’intéresse le plus, c’est de comprendre pourquoi l’évangile de Marc fonctionne au départ contre les riches, et pourquoi quelques siècles plus tard, il fonctionne dans un discours de riches, à l’église et à l’université « , « Lectures en Dialogue. Table ronde H, Foi et Vie, 77 (1978). Cahiers Bibliques n. 17, p. 47-55, citation d’un intervenant pour la lecture matérialiste, p. 52.

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