Dans sa dernière chronique publiée par Mizane.info, le militant antiraciste et président du Comité Justice et Libertés, Yasser Louati, ouvre une réflexion critique sur la notion de responsabilité politique et d’engagement authentique, en appelant à l’émergence d’un mouvement structuré capable de fournir une alternative politique aux minorités victimes de traitement d’exception.
« Tant que nous continuerons de prendre nos droits et libertés pour acquis parce qu’ils sont inscrits sur un bout de papier, nous continuerons de les perdre un à un jusqu’à ce que nous nous posions la question, une fois dépossédés : « Mais qu’est ce qui s’est passé ? ».
A ce moment là, nous n’aurons ni le droit de nous plaindre, ni le droit d’appeler à l’aide. Nous n’aurons qu’un seul droit, celui de nous en prendre à nous mêmes et à personne d’autre.
Le spectre du populisme français
La nostalgie des années trente et de la colonisation s’exprime pleinement devant nous et nous continuons d’évoquer Dieu ou la promesse républicaine pour justifier notre apathie ou pour, au mieux, se rassurer que demain sera meilleur et qu’il est inutile de sortir de notre zone de confort.
Qu’est-ce qui se passera lorsqu’un vide politique sera comblé par l’émergence d’un démagogue à l’instar de Trump ou de Salvini ? Posons nous la question de manière lucide et en regardant bien la société dans laquelle nous vivons et non pas telles que nous aimerions qu’elle soit.
La République est une promesse non tenue parce que l’État et ceux qui le composent sont hors de tout contrôle
Je ne vois pas l’ombre d’un espoir crédible dans le champs politique actuel et si le spectre politique français peut être en désaccord sur tout, sauf autour des questions identitaires avec à leur centre, ceux qu’on appelle « les musulmans », c’est que demain sera pire qu’aujourd’hui.
Non, on ne peut pas évoquer la République à tout bout de champs en oubliant les structures autoritaires et racistes qui la portent. La République est une promesse non tenue parce que l’État et ceux qui le composent sont hors de tout contrôle et ne doivent leur impunité que parce que ce sont les minorités qui sont en première ligne face à leur violence.
Tant que ce sont « eux », « nous sommes à l’abri ». On sait où ce genre de raisonnement mène et il y en a encore qui sont en vie pour raconter.
Vers une authentique alternative politique
Le racisme et l’autoritarisme avec lequel les États-Unis, l’Autriche, l’Italie, la Hongrie, la Pologne ou la Grande Bretagne gouvernent ouvertement n’est pas un nuage radioactif qui s’arrête à la frontière.
Le même pays qui a balancé 300 algériens dans la Seine, a laissées impunies les ratonnades de 1972 et des années qui ont suivi, qui a adopté un état d’urgence permanent, une loi autorisant la surveillance de masse, se gave de polémiques autour des femmes qui se couvrent la tête, se satisfait d’une presse dopée à l’islamophobie, qui criminalise les acteurs en raison de leur couleur de peau ou de leurs opinions à contre courant du dogme identitaire, n’a pas tellement changé et il n’est pas différent des autres.
Si les seules alternatives à Emmanuel Macron sont les Laurent Waquiez, Jean Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, demandez vous ce qui se passera dans un pays qui a toutes les lois pour que ses « élus » puissent agir en dehors de tout contrôle de la justice. Notre seul espoir ne réside qu’en nous mêmes et en notre capacité à croire que nous pouvons bâtir une alternative crédible. »
Yasser Louati
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