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lundi 30 décembre 2024

2020 : l’incontournable islam 3/3

Troisième partie du texte de Ousmane Timera consacré aux rapports entre islam, mondialisation et sécularisation.

La mondialisation actuelle et les modalités de sa globalisation sont philosophiquement judéo-chrétiennes.

C’est-à-dire que ce sont les concepts clés du christianisme et du judaïsme (que nous distinguons du message initial de Jésus et de Moise), bien que sécularisés, qui commandent toujours l’univers de sens et la trajectoire de l’Occident et son rapport au monde et à l’humanité.

Expliquons-nous en énumérant les quatre notions essentielles qui, selon nous, caractérisent l’approche judéo (Spinoza)-chrétienne (Hegel) de l’existence et l’homme :

1) Pour le Judaïsme :

– La notion de Peuple Élu et l’annulation de fait de l’idée de famille et de fraternité humaine.

– La limitation de l’existence à l’ici-bas et aux sens (l’absence dans l’ancien testament de toute référence et description de l’au-delà en est le signal).

2) Pour le Christianisme :

– La notion de fils de Dieu.

– La notion de péché originel et la détestation du monde et des sens qui en découle.

Les deux premières notions respectives du judaïsme et du christianisme sont une continuité en accord ; alors que les deux secondes sont une continuité en désaccord.

C’est-à-dire que la notion de « peuple élu de Dieu » contenait déjà en elle celle de « fils unique de Dieu » et d’incarnation en lui (l’un d’entre eux tout de même) de la divinité.

La notion de péché originel et le rapport névrosé et négatif au monde qui s’en déduit, sont quant à eux la réaction extrême que ne pouvait éviter l’obnubilation immodéré pour ce monde qui la sous-tend en réalité.

Ce qui à son tour va créer la réaction que nous connaissons aujourd’hui contre le spirituel/au-delà au profit du temporel/mondain.

Peuple élu et fils de Dieu : l’un est la particularisation du général, l’autre est l’absolutisation du concret.

Dans les deux cas c’est le refus de la transcendance et la limitation du monde et de l’homme à ce que l’on sait et à ce que l’on peut.

Peuple élu et fils de Dieu : l’un comme l’autre, l’un en l’autre, c’est l’annulation de l’idée de famille humaine ; c’est la division de l’humanité en élus divinisés qui commandent et déchus bestialisés à soumettre.

C’est la perte par conséquent de la dignité de l’être humain en tant que principe universel et inaliénable, dans son refus à l’autre que l’on déshumanise en l’animalisant/diabolisant et dans l’angélisation/ divinisation d’autres qui eux aussi ce déshumanisent.

Peuple élu et fils de Dieu : c’est un clergé et des troupeaux d’humains moutonisés ; c’est des intermédiaires qui s’accaparent le bien symbolique (religion et philosophie) pour le détourner de son sens (religion et idéologie) afin de justifier la spoliation des biens matériels et l’exploitation des gens (domination politique et économique).

Péché originel (détestation de ce monde) et amour immodéré pour l’ici-bas : il s’agit toujours d’une restriction négative ou positive à ce monde.

Péché originel ou restriction à l’ici-bas : c’est toujours la même mise en demeure de séparer le corps et l’esprit, la terre et le ciel, le matériel et le spirituel, et de choisir l’un dans lequel on restreindra l’humain et le monde, au détriment de l’autre qu’il faudra faire disparaître à terme.

Au cœur du Vatican puritain et ses dorures se trouvait déjà le Las Vegas qu’elle provoque, et qui est en fait son origine cachée.

Comme le Diable et sa purification se trouvaient parmi les anges et leur pureté éthérée.

Car la détestation immodérée du monde a son mobile et origine dans son amour restrictif exclusiviste, et la dilution de soi et du moi en lui, après y avoir réduit toute la réalité.

Dans la civilisation occidentale, le processus de désenchantement, de sécularisation, et d’athéisation (sur le plan ontologique) du monde ; de déification et d’idéalisation de la nature, de l’histoire, de la raison et de la science (sur le plan philosophique) ; de divinisation ou de «supermanisation» de la « race supérieure » blanche et de l’ « ethnie » européenne, du développement des sociétés européennes et de leur mode et choix de vie (sur le plan axiologique) ; la guerre menée contre tout ce qui n’est pas blanc, européen et chrétien en vue de le dominer, de l’exploiter et/ou de le détruire (sur le plan civilisationel), de « l’assimiler », de « l’intégrer » et de le rejeter (sur le plan social et sociétal).

Tout ceci, d’une manière ou d’une autre, sont l’expression furieuse de cette conception du monde et de l’homme portée par le judaïsme et le christianisme, séculariseé et conceptualisée par les philosophies spinoziste, hégélienne et marxiste, en leurs parties déviantes et défigurées introduites dans le message initial de Moise et de Jésus.

Parties déviantes et défigurées, issues de la conception fétichiste et idolâtre de l’existence, qui provoquent la dégradation de la religiosité et de la religion, et qu’elles finirent par attraper.

L’Islam porte le projet d’une autre mondialisation fondé sur la relation et la réconciliation du naturel et du spirituel, ainsi que sur la collaboration civilisationnelle de toutes les nations et cultures qu’il considère être l’expression riche et diverse d’une seule réalité : la famille humaine.

Ce dont l’Islam voulu libérer les communautés juives et chrétiennes ainsi que l’humanité, en réformant ces religions positives à partir de la Religion initiale et permanente, en rappelant son essence, pour proposer sa réalisation pleine, universel et cosmique dans la civilisation humaine.

Essence de la Religion, au-delà des particularités culturelles, qui se résume philosophiquement en ces termes : transcendance divine et dignité humaine, qui ne sont pas à confondre ni à opposer mais à relier et réconcilier.

Tel est le fond philosophique et théologique qui sous-tend la mondialisation que nous connaissons aujourd’hui et qui explique ces « déviances » qui n’en sont point au vu de ce qui vient d’être explicité.

Certes, nous ne réduisons pas la civilisation occidentale à tout ceci.

A côté des parties sombres que sont les génocides perpétrées contre plusieurs peuples, l’esclavage, la colonisation, les attentats écologiques, économiques et symboliques contre l’humanité, se trouvent aussi la partie lumineuse des droits de l’homme, de la science ou de la démocratie.

Spinoza.

Cependant, la défiguration de l’idée de Dieu et de l’homme, telle qu’elle fut permise par la théologie et l’anthropologie judéo-chrétienne, textuellement et foncièrement tribal et non universel (comme cela s’exprime dans leur texte), sont les prémisses de la dilution de l’âme humaine dans la nature (Spinoza) et l’histoire (Hegel) dont le naturalisme ethnique et scientiste, quelques soient ses formes (sociologisme, évolutionnisme darwinien, économisme capitaliste ou socialiste, cybernétisme ou génétisme Trans-humaniste ou antispéciste etc) se chargera d’inventer son « catéchisme » et de façonner l’homme et le monde à son image divinisé, idéalisé ou « surhumanisé », et en fait bestialisé, puisque « qui fait l’ange fait la bête ».

La crucifixion du « fils de Dieu » par son « peuple élu » ne pouvait aboutir, dans cet univers de sens, qu’à la « mort de Dieu » et par conséquent à la fin de l’humain en l’homme, à la division des peuples et la destruction de la planète. Car pourquoi s’arrêter en si bon chemin.

Tel est le sens de la crise multidimensionnelle que traverse l’humanité et le blocage de l’avenir qui le caractérise, car sans idéal transcendant vers lequel tendre.

Pourquoi donc ce profil philosophique permet d’expliquer l’animosité manifeste de l’ordre mondial actuel contre l’Islam ? Et pourquoi cela atteste, paradoxalement, du caractère incontournable de l’Islam pour l’avenir du monde?

Au-delà de l’aspect historique, géopolitique et économique de cette opposition, c’est bien la vision de l’un (la cosmique coranique de l’Islam) radicalement opposée à celle de l’autre (la mondialisation occidentale) et dont les impasses actuelles appellent irrémédiablement l’adoption par l’humanité, directement ou indirectement, des propositions et de la vision de l’Islam.

Comparons donc les principes suivants explicitement portés par l’Islam avec ceux de la mondialisation que nous avons exposés tout au long de ses lignes :

– La transcendance absolue de Dieu et son impossible incarnation.

– La lieutenance de l’être humain en tant qu’être libre et responsable de la planète qui lui fut confiée.

– La terre et l’ici-bas en tant que don de Dieu et lieu d’épreuve et de preuve des capacités de l’homme pour accomplir la mission de civilisation de la terre selon les principes divins de sa lieutenance.

– La relation directe de l’humain et du Divin sans intermédiaire.

– La Libération de l’humanité vis-à-vis du tutorat spirituel d’un pouvoir spirituel ou du tutorat politique d’un pouvoir de de droit divin.

– Origine commune de l’humanité qui en fait une famille.

– Diversité des cultures et des religions voulue par Dieu pour l’inter-connaissance et l’émulation.

– La fondation du mérite sur la valeur morale universelle et son respect (al-taqwa), et non sur l’origine ethnique, ni sur le sexe, ni sur l’appartenance religieuse, ni sur le niveau social et économique.

– La distinction, la relation, l’unité et la non séparation ni uniformisation entre l’ici-bas et l’au-delà, le corps et l’esprit, les moyens et les fins.

Les points ci-dessus mis en exergue, sont en contradiction directe, nous le voyons, avec la vision qui sous-tend la mondialisation et son ordre mondial.

L’Islam porte le projet d’une autre mondialisation fondé sur la relation et la réconciliation du naturel et du spirituel, ainsi que sur la collaboration civilisationnelle de toutes les nations et cultures qu’il considère être l’expression riche et diverse d’une seule réalité : la famille humaine.

Et cela correspond exactement à la crise que vit l’humanité dans son rapport à elle-même et à son environnement qui se loge dans celui, au conséquence cosmique, qui se trouve entre elle et le divin.

Le monde et l’humanité ont besoin d’une unité spirituelle qui porte son unité physique et qui comprend (dans les deux sens) sa diversité pour la mettre en état d’inter-connaissance, d’émulation et de collaboration.

Or voilà une religion et une philosophie, l’Islam, qui repose sur la transcendance de Dieu, la dignité humaine, la notion de famille humaine, sur une critique des religions au nom de la Religion cosmique qu’elles visent et dont elles sont issues pour les reformer, la relativisation de ce monde vis-à-vis de l’au-delà et en même temps sa prise en considération et la nécessaire relation entre les deux.

Ce n’est pas la terre d’un côté et le ciel de l’autre qui s’opposent ou se confondent, mais le cosmique qui les englobe et les relie. C’est un dépassement (tadjaouz).

Ce que le dépassé potentiel ne peut supporter s’il se pense être la « fin de l’histoire ».

Telle est la raison d’être de l’opposition frontale et instinctive que mobilise l’ordre mondial et son projet de mondialisation contre l’Islam et le monde musulman bien que celui-ci soit politiquement sous domination.

Au-delà de l’aspect géopolitique et économique, c’est bien la symbolique de l’Islam en tant que message universel et cosmique qui est visé.

Il s’agit clairement de l’empêcher d’atteindre pleinement son potentiel révolutionnaire et/afin d’accentuer la domination des peuples qui s’en réclament de Dakar à Djakarta.

Ce qui est la condition pour que perdure le leadership de l’occident sous l’égide américaine.

Ainsi s’explique le caractère incontournable de l’Islam dans le reflet des préoccupations qu’il suscite de la part de l’ordre établi.

Mais son caractère incontournable s’expose aussi, nous l’avons indiqué dans la première partie de cet article, dans la correspondance de sa philosophie coranique et cosmique (kawniy) avec les révoltes actuelles des peuples qui attendent la révélation qui les transformera en révolution.

Ousmane Timera

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